Au cœur de la préfecture de Gifu, à quelques kilomètres de Nagoya, se cache un endroit aussi mystérieux qu’envoûtant pour tout amateur de voitures anciennes : l’ancien site de la concession ProAuto. Derrière des vitres opaques par la poussière et des murs envahis par la végétation, un hangar oublié renferme une collection exceptionnelle de sportives européennes, restées intactes depuis des décennies. En Occitanie, je roule souvent sur des routes sinueuses, mais même dans les Alpes-de-Haute-Provence ou le Lauragais, je n’ai jamais entendu pareille légende.
Un sanctuaire hors du temps
Arrivé sur place, on est saisi par le silence : un vieux portail métallique grince, puis cède sur un vaste espace bétonné, à l’abri du regard. Le bâtiment principal, anciennement showroom, sert aujourd’hui de capsule temporelle :
- Vitrines recouvertes de poussière, laissant entrevoir des silhouettes longilignes ;
- Façade partiellement effondrée, derrière laquelle se devinent des phares en verre cristallisé ;
- Portes de service garnies de lierres, symboles d’un abandon progressif mais non d’un renoncement à la beauté mécanique.
Chaque pas à l’intérieur révèle un mur d’ombres et de lumière tamisée, signe que le temps s’est arrêté pour ces automobiles figées dans un sommeil cruel.
Les joyaux mécaniques oubliés
Parmi les dizaines de trésors, certains modèles captivent inévitablement le visiteur :
- Lotus Europa : rare exemplaire de la version S1, moteur en position centrale et châssis ultraléger, témoin de l’âge d’or de Colin Chapman ;
- Renault Alpine A110 : plusieurs millésimes alignés, rappelant les victoires en rallye et la finesse du design français ;
- Mini Cooper d’époque : petites citadines sportives incroyablement préservées, symboles de la Swinging London des années 60 ;
- Porsche 911 première génération : carrosserie 2,2 litres légèrement patinée, mais jamais restaurée, conservant son charme originel ;
- Ginetta de compétition : fidèle aux circuits britanniques, avec son châssis tubulaire et son esprit petit constructeur ;
- Répliques de Bugatti Type 35 : reproductions minutieuses montées sur châssis moderne, hommage vibrant à Ettore Bugatti ;
- Renault Express ancienne génération : transformée en réserve de pièces, témoignant d’une préparation méticuleuse pour chaque restauration future.
Chacune de ces voitures, malgré un épais manteau de poussière, semble attendre patiemment le moment où elle reprendra vie sur la route.
Fukui-san : le gardien discret
La légende locale évoque un certain Fukui-san, propriétaire méconnu mais déterminé à conserver cette collection :
- Rumeurs d’offres mirobolantes pour acquérir une part du trésor, toutes poliment déclinées ;
- Motivations inconnues : attachement sentimental à chaque châssis ou blocages administratifs complexes ;
- Organisation impeccable : malgré l’apparence « d’abandon », chaque modèle dispose d’un emplacement assigné, avec plan détaillé et inventaire précis.
Selon les rares témoignages, Fukui-san a mis en place un système de vidéosurveillance sophistiqué, combinant caméras infrarouges et détecteurs de mouvement, pour protéger ce patrimoine mécanique sans jamais laisser entrevoir son visage.
Une conservation presque irréelle
À l’intérieur du hangar, tout est figé :
- Pneus à plat ou dégonflés, mais stockés sur cales pour préserver les jantes en alliage ;
- Carrosseries enveloppées d’une couche de poussière uniforme, formant un écrin de protection naturelle contre l’humidité ;
- Pièces de rechange classées sur des étagères : boîtes de freins, câbles d’embrayage et faisceaux d’origine Renault, Porsche ou Lotus, prêts à être utilisés en cas de renaissance.
L’organisation méticuleuse de cet espace contraste avec l’aspect décrépit du bâtiment : chaque objet est positionné au millimètre près, témoignant d’une passion sans faille et d’un espoir persistant de remise en circulation.
Une légende urbaine pour passionnés
De Tokyo à Fukuoka, les amateurs d’automobile chuchotent le nom de ProAuto comme on évoque un mythe. Certains ont réussi à pénétrer discrètement dans ce « musée secret » et décrivent une atmosphère presque sacrée :
- Le silence interrompu uniquement par le grincement d’une porte ou le claquement d’un volet ;
- La lumière filtrée par de vieux abat-jours suspendus, donnant aux teintes d’origine une patine sépia ;
- Des odeurs mêlées de gomme vieillie et de vieux carburant, rappelant les premiers tours de piste.
Ce lieu représente pour les collectionneurs un sanctuaire inattendu, où l’histoire de l’automobile européenne trouve un second foyer, loin des routes boueuses du Morvan ou des cols du Mont Ventoux, et pourtant si proche de l’esprit d’excellence qui anime les passionnés.
La ProAuto, entre mystère et espoir
Si l’avenir de ces bolides reste incertain, l’existence même de ce capannone en zone rurale prouve que la passion automobile ne connaît pas de frontières. Que deviendront la Lotus Europa, les Alpine A110 ou la légendaire Porsche 911 ? Peut-être verrons-nous un jour ces voitures ressusciter sur les routes de l’Occitanie, Fiable dans les gorges de l’Hérault ou virevoltant sur le circuit de Ledenon. En attendant, l’énigme ProAuto continue de fasciner et d’inspirer tous ceux qui chérissent les mécaniques exceptionnelles.