Quand la loi dicte l’électrique, le marché européen vacille
L’initiative de rendre obligatoire l’automobile électrique en Europe sonne comme un défi industriel majeur. John Elkann, président de Stellantis, et Luca de Meo, directeur général du groupe Renault, ont lancé un avertissement commun auprès des régulateurs européens : contraindre par décret ne suffit pas, et ce choix pourrait signer la condamnation de notre industrie automobile.
Une concurrence mondiale écrasante
Selon Elkann, la Chine dépassera en 2025 la production combinée de l’Europe et des États-Unis. Ce basculement résulte d’une stratégie volontariste des pouvoirs publics chinois, qui ont soutenu massivement leur filière automobile électrique. À l’inverse, le marché européen accuse un recul constant depuis cinq ans, sans parvenir à retrouver les volumes d’avant la pandémie. Pire : si rien n’évolue, l’Europe pourrait voir son marché divisé par deux dans la prochaine décennie.
Quand la réglementation devient un obstacle
Luca de Meo pointe du doigt l’enchaînement de normes qui alourdissent les véhicules, complexifient leur conception et font flamber les prix :
Le résultat : un prix d’appel qui échappe à de nombreux acheteurs, sauf à prévoir une avalanche d’aides publiques – ce qui risque de déséquilibrer la concurrence entre constructeurs.
Renouvellement du parc : un enjeu prioritaire
Avec un âge moyen de 12 ans par voiture en circulation (jusqu’à 17 ans dans certains pays), le parc européen reste très polluant. Elkann et de Meo s’accordent pour dire qu’il faut avant tout accélérer le renouvellement en adoptant toutes les technologies compétitives :
En diversifiant l’offre, on facilite le passage à un véhicule plus propre sans exiger du consommateur un saut technologique brutal et coûteux.
Un clivage entre généralistes et premium
Le secteur européen est aujourd’hui divisé en deux écoles :
- Les constructeurs généralistes (Renault, Stellantis, Volkswagen…) misent sur des volumes et des modèles accessibles pour répondre aux attentes d’une large clientèle.
- Les marques de prestige (Mercedes, BMW, Audi, Porsche…) influencent souvent la réglementation par leurs exigences élevées en terme de performance et de qualité, et visent un public à fort pouvoir d’achat.
Cette dualité explique en partie la difficulté à trouver un consensus sur des normes qui ne bénéficient ni aux uns (trop coûteuses) ni aux autres (trop restrictives pour innover).
Appel à une vraie politique industrielle européenne
Les deux dirigeants insistent sur un besoin urgent de cohérence politique :
À l’inverse des États-Unis ou de la Chine, l’Europe manque de coordination et de vision à long terme pour protéger son savoir-faire et ses emplois.
Des preuves que l’électrique accessible existe
Malgré ces critiques, Elkann et de Meo rappellent que des modèles grand public ont déjà démontré la faisabilité d’un véhicule propre et abordable :
- La nouvelle Citroën C3 électrique, dont le coût d’usage se rapproche de celui d’une citadine thermique ;
- La Fiat Grande Panda, déclinée en versions hybride et électrique, qui conserve un positionnement tarifaire étudié ;
- Le Peugeot 3008 hybride rechargeable, qui combine polyvalence et autonomie électrique plus de 50 km.
Ces exemples prouvent qu’avec les bonnes conditions – réglementation équilibrée, production locale optimisée et incitations appropriées – le passage à l’électrique ne reste pas un luxe réservé à quelques irréductibles.
La transition ne peut pas rester un dogme
Pour Gérard, arpenteur des routes d’Occitanie et amateur de belles mécaniques, l’électrification doit se conjuguer au pluriel : chaque conducteur – urbain, périurbain ou rural – doit pouvoir accéder à une technologie adaptée à ses besoins et à son budget. L’automobile européenne a l’opportunité de conserver sa place de leader mondial, à condition que la loi ne devienne pas le seul levier de la transition, mais s’inscrive dans une stratégie globale, pragmatique et solidaire.