La nouvelle fait rêver les passionnés de belles mécaniques : toutes les 250 Bugatti Tourbillon sont déjà vendues, alors même que la supercar n’a été dévoilée que l’an dernier. À 3,8 millions d’euros hors taxes l’unité, cette réussite commerciale apparentée à une provocation économique dit beaucoup sur l’état du marché ultra‑luxe et sur les attentes d’une clientèle pour qui l’exclusivité et la mécanique pure restent des valeurs centrales. Je vous propose un décryptage technique et marché de cette voiture hors normes, en prenant le volant de l’analyse avec l’œil d’un passionné d’Occitanie.
Production et calendrier : un programme verrouillé
Bugatti Rimac a confirmé que la production de la Tourbillon est bouclée à 250 exemplaires, et qu’il n’y aura pas d’unités supplémentaires proposées au public. Mate Rimac a lui‑même déclaré que la liste clients est complète et qu’il « n’en reste plus à vendre ». La cadence annoncée est d’environ 80 unités par an, ce qui laisse présager une construction étalée sur plusieurs années, potentiellement jusqu’en 2029. Autant dire que la rareté est garantie, et que chaque exemplaire bénéficiera quasi inévitablement d’une personnalisation poussée et d’options très onéreuses.
La mécanique : V16 atmosphérique et surpuissance hybride
Sur le plan purement mécanique, la Tourbillon est une pièce d’ingénierie exotique. Elle embarque un V16 atmosphérique de 8,3 litres développé par Cosworth, positionné devant l’essieu arrière et délivrant 735 kW (1 000 ch) pour le bloc thermique seul. Ce V16 adopte un angle de 90° entre les bancs, avec un vilebrequin d’environ un mètre de long — des proportions proprement monumentales. Le moteur monte jusqu’à 9 000 tr/min et affiche un taux de compression de 14,5:1, tandis que le couple atteint 900 Nm.
Mais la Tourbillon n’est pas une simple hypercar thermique : elle opte pour une architecture hybride plug‑in avec trois moteurs électriques de 250 kW chacun (soit 340 ch environ par moteur) — deux à l’avant et un à l’arrière — pour constituer une transmission intégrale électrique + thermique. Cette architecture porte la puissance combinée à 1 324 kW (1 800 ch). Malgré la batterie haute tension de 25 kWh et le surcroît d’équipement, le poids reste contenu sous les deux tonnes, signe d’une ingénierie alliant matériaux légers et compacité optimisée.
Performances et sensations : des chiffres qui parlent
Les performances annoncées sont renversantes : 0 à 100 km/h en 2 secondes, 0 à 200 km/h en moins de 5 secondes, 0 à 400 km/h en moins de 25 secondes, avec une vitesse maximale bridée électroniquement à 445 km/h. Ces valeurs placent la Tourbillon dans un registre extrême, mais la vraie singularité vient du mariage d’un V16 atmosphérique — qui offre une réponse mécanique, une sonorité et une sensation de régime — avec l’appui électrique qui gomme les délais de couple au démarrage et renforce l’attaque en sortie de courbe.
Design et ergonomie : hommage et innovation
Sur le plan stylistique, Bugatti joue la carte de l’héritage et de l’audace. Portes papillon, « dorsale » centrale rappelant la Type 57 SC Atlantic et des choix ergonomiques étonnants comme l’absence d’un habitacle saturé d’écrans (l’intérieur se veut épuré, presque instrumental) montrent une volonté de se recentrer sur l’essentiel : la conduite. Les sièges ne sont pas réglables longitudinalement afin de gagner en hauteur d’assise, tandis que la pédalier est ajustable — un choix qui privilégie la position de conduite sur mesure plutôt que les réglages classiques.
Options extrêmes : l’Équipe Pur Sang et l’obsession du détail
La variante « Équipe Pur Sang » pousse le concept jusqu’à ses ultimes excès esthétiques et mécaniques, avec notamment une configuration à huit sorties d’échappement au lieu des quatre habituelles. Chez Bugatti, il est probable que la plupart des clients aient demandé des spécifications sur mesure, amenant la facture finale bien au‑delà du prix catalogue. Chaque exemplaire deviendra une pièce unique, tant pour la finition que pour les choix mécaniques et esthétiques.
Stratégie commerciale et signaux du marché
Que nous révèle la vente intégrale de la Tourbillon ? D’abord, que le segment ultra‑luxe est résilient : même dans un contexte économique mondialisé parfois incertain, une clientèle restreinte conserve la volonté d’investir dans l’exclusivité. Ensuite, l’annonce souligne l’attrait persistant pour les moteurs à combustion de la part d’acheteurs haut de gamme — Rimac lui‑même note que ces clients veulent encore des moteurs thermiques, conjugués à la modernité électrique.
Que peut-on en attendre sur nos routes ?
Sur nos routes d’Occitanie, il est rare de croiser des machines de ce niveau, mais l’existence même de la Tourbillon influence indirectement le marché : technologies, savoir‑faire matériaux et solutions hybrides développées pour ce projet finiront par descendre — lentement — vers des catégories plus accessibles. Par ailleurs, la mise en avant d’un moteur atmosphérique de très grosse cylindrée rappelle que l’industrie sait encore produire des mécaniques d’exception, même si leur avenir reste sujet à la réglementation et à la sensibilité environnementale.
Sur le plan sonore et émotionnel, la Tourbillon promet d’être un spectacle : un V16 poussé à 9 000 tr/min associé à trois moteurs électriques offrira des envolées et des attaques que peu d’autos modernes peuvent reproduire. Pour ceux d’entre nous qui aiment la mécanique et le chant d’un moteur, c’est la dernière ode à la combustion sous sa forme la plus extrême.



