La récente réorganisation interne de Stellantis, initiée par le nouveau CEO Antonio Filosa, suscite de vives inquiétudes chez les syndicats français. Tandis que le groupe affiche sa volonté d’harmoniser les anciennes branches PSA et FCA sous la bannière unique de Stellantis, plusieurs signaux laissent craindre un déséquilibre dans les investissements et le soutien industriel alloué à la France.

Un plan de restructuration ambitieux mais controversé

Arrivé à la tête de Stellantis il y a quelques mois, Antonio Filosa a mis en œuvre un plan de nomination de cadres supérieurs qui privilégie des responsables issus de l’ancienne FCA. Selon des sources Bloomberg, ces choix stratégiques visent à renforcer la compétitivité du groupe sur des marchés clés comme l’Italie et les États-Unis. Or, pour les salariés et représentants syndicaux tricolores, cette politique risque de reléguer la France au rang de simple variable d’ajustement.

Les inquiétudes des syndicats français

La CFE-CGC, syndicat majoritaire parmi les techniciens et cadres du groupe en France, a publiquement dénoncé « un risque d’affaiblissement du savoir-faire français » au profit d’orientations jugées trop focalisées sur d’autres pôles géographiques. Plusieurs points alimentent leur crainte :

  • Une possible réduction des investissements dans les sites de production hexagonaux, au bénéfice des usines italiennes ou américaines ;
  • La crainte que certains sites français deviennent « variables » dans le futur plan industriel, déjà évoqué par les représentants syndicaux ;
  • Le sentiment que l’équilibre interne entre ex-PSA et ex-FCA est rompu, avec des nominations perçues comme injustifiées.

Ces tensions sont renforcées par le contexte de baisse de production : Stellantis a vu en Italie une chute de 36 % des volumes fabriqués au cours des neuf premiers mois de l’année comparé à la période équivalente de 2022.

Une stratégie de croissance internationale

Parallèlement aux critiques en France, Stellantis annonce un investissement significatif de 10 milliards de dollars aux États-Unis, pour relancer sa production locale et regagner des marges érodées. Ce plan comprend :

  • La modernisation de plusieurs usines américaines, axée sur les véhicules utilitaires et pickups ;
  • Le développement de plateformes électriques pour répondre à la demande croissante du marché nord-américain ;
  • Des partenariats technologiques visant à renforcer la R&D outre-Atlantique.

Si cette dynamique peut sembler positive pour le groupe dans son ensemble, elle renforce le sentiment de déséquilibre parmi les salariés européens, qui redoutent un effet domino sur les capacités de production et d’innovation en France.

Vers un nouveau plan industriel unitaire

Antonio Filosa doit présenter dans les prochains mois un plan industriel renouvelé, censé tracer la feuille de route de Stellantis pour les cinq années à venir. Les axes principaux annoncés incluent :

  • La convergence progressive des plateformes ex-PSA et ex-FCA pour réduire les coûts de développement ;
  • Une montée en puissance des véhicules électrifiés, avec l’objectif de proposer une gamme complète dès 2026 ;
  • Une réorganisation des sites de production pour optimiser l’utilisation des capacités et limiter les surcoûts.

Pour convaincre les syndicats et les marchés, le CEO répète que « nous sommes simplement Stellantis », en bannissant toute distinction entre les anciens ensembles. Toutefois, le défi majeur reste de trouver une véritable identité commune et une stratégie industrielle cohérente, qui réponde aux attentes de toutes les parties prenantes.

Les enjeux pour la cohésion et la compétitivité

Au-delà des Amériques et de l’Italie, Stellantis doit veiller à préserver l’excellence technique et industrielle française, qui représente un vivier de compétences et d’innovation. Les syndicats réclament :

  • Une clarification des intentions du groupe quant aux investissements futurs en France ;
  • Un maintien minimal des effectifs et des activités R&D sur le territoire national ;
  • Une concertation accrue lors des décisions affectant les sites français.

À l’heure où la concurrence s’intensifie sur les marchés de l’électrique et de l’automobile connectée, une faille dans le tissu industriel européen pourrait s’avérer coûteuse pour Stellantis.

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