À l’automne 1955, dans la petite ville d’Hamamatsu, Michio Suzuki remet en main propre à un médecin local la toute première Suzulight, marquant l’entrée de Suzuki sur le marché automobile. Véritable prouesse technique née d’un projet lancé dès 1937 et interrompu par la Seconde Guerre mondiale, cette citadine de moins de trois mètres incarne déjà l’esprit novateur de la marque. Retour sur les origines, la technique et l’héritage de la Suzulight, père des kei-cars modernes.

Des métiers du textile à l’automobile

Depuis 1909, la Suzuki Loom Works se spécialise dans les métiers à tisser. Cependant, dans les années 1950, la demande mondiale en machines textiles chute drastiquement. Confronté à ce tournant, Michio Suzuki anticipe les besoins d’un Japon en reconstruction, où la mobilité devient essentielle.

  • 1937 : premières études sur un prototype léger baptisé « Suzulight ».
  • 1940–1945 : pause forcée pendant la Seconde Guerre mondiale.
  • 1953 : lancement de la première moto Suzuki.
  • 1954 : création officielle de la Suzuki Motor Co., Ltd. et reprise du projet automobile.
  • Octobre 1955 : début de la production de série avec 3–4 voitures par mois.
  • Début 1956 : montée à 30 unités mensuelles, preuve d’un succès immédiat.

Une ingénierie avant-gardiste

La Suzulight de 1955 présente plusieurs innovations majeures, rares à l’époque sur un véhicule de cette taille :

  • Moteur bicylindre 2 temps 360 cc, 15 ch : le premier moteur avant deux temps en série.
  • Architecture traction avant : compartiment moteur compact, habitabilité améliorée.
  • Suspensions indépendantes à ressorts hélicoïdaux : confort et tenue de route optimisés.
  • Direction à crémaillère : précision inédite pour un modèle populaire.
  • Châssis court et léger (500 kg à vide) : maniabilité urbaine sans égal.

Certains observateurs notent une ressemblance avec la Lloyd LP 300 allemande, mais Suzuki parvient à combiner robustesse et coût réduit, un équilibre difficile à tenir en 1955.

Des tests exigeants jusqu’à Tokyo

Pour valider la fiabilité de la Suzulight, Suzuki organise un essai terrain de 300 km à travers les cols d’Hakone, sur routes non asphaltées. Ce démonstrateur devient le premier jalon de la homologation :

  • Contrôle de la résistance du moteur deux temps face à la poussière.
  • Évaluation du confort des suspensions sur pistes cabossées.
  • Validation du refroidissement du bloc bicylindre « exposé » aux fortes chaleurs.

Après inspection et un essai en présence du président de Yanase Auto, principal distributeur japonais, le feu vert est donné pour la production de série.

Détails techniques et performances

Les dimensions compactes et la simplicité mécanique rendent la Suzulight facile à entretenir :

  • Longueur : 2 980 mm | Empattement : 1 900 mm
  • Poids : 520 kg
  • Transmission : boîtier manuel 4 vitesses, tractive avant
  • Vitesse maximale : 85 km/h
  • Consommation mixte : environ 5 L/100 km

Sur les routes sinueuses d’Occitanie, un exemplaire restauré offre un agrément surprenant : équilibre neutre, direction vive et freinage suffisant pour circuler en milieu urbain.

Héritage dans les kei-cars modernes

La Suzulight établit les bases de la catégorie « Keijidosha » au Japon, qui impose une cylindrée < 360 cc et des dimensions limitées. Aujourd’hui, cette philosophie se perpétue dans les plateformes Heartect (Swift, Vitara, S-Cross) et Heartect-e pour l’e-Vitara. À l’aube du lancement de la e-Vitara 100 % électrique, Suzuki reste fidèle à cette idée : offrir des véhicules légers, économiques et adaptés aux déplacements quotidiens.

Conseils d’entretien pour une Suzulight restaurée

Les passionnés qui souhaitent remettre en route une Suzulight d’époque doivent prêter attention à :

  • Vidange fréquente de l’huile moteur deux temps (mélange 25:1 préconisé).
  • Remplacement des silentblocs, souvent desséchés après 70 ans.
  • Révision du système de frein à tambour : garnitures, cylindres de roue et flexibles.
  • Nettoyage régulier du carburateur à double corps et réglage de la richesse.
  • Inspection du boîtier de direction pour corriger tout jeu excessif.

Avec un entretien rigoureux, il est possible de conserver le caractère vif et la fiabilité légendaire de ce pionnier de l’automobile compacte.

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