Renault met un terme à une ère de rêveries urbaines : la division Mobilize, qui portait les projets de micro‑mobilité et de car‑sharing du Groupe, voit plusieurs de ses initiatives arrêtées ou intégrées au sein des activités centrales. Après des années d’expérimentations et de prototypes, la maison au losange revoit sa copie : stop à la production du duo électrique Duo, suspension progressive du service Zity à Madrid et fermeture à Milan, et recentrage des compétences rattachées à la recharge électrique. En Occitanie comme ailleurs, cette décision interroge sur la viabilité réelle des modèles de mobilité partagée et sur la capacité des constructeurs à financer des projets périphériques au cœur de leur business.

Pourquoi Mobilize n’a pas tenu ses promesses

Sur le plan économique, Renault pointe du doigt un constat lucide : manque de rentabilité et faible synergie avec les priorités stratégiques du Groupe. Les ambitions de Mobilize — imaginées comme un incubateur d’innovations « beyond automotive » — se sont souvent heurtées à des réalités concrètes : infrastructures de recharge insuffisantes, coûts d’exploitation élevés pour des services urbains, et utilisateurs peu enclins à payer des abonnements à long terme pour une mobilité instable. Le marché a aussi changé : d’autres acteurs historiques et de nouvelles plateformes ont montré la difficulté à transformer l’essai du car‑sharing en activité durable.

Ce qui est abandonné ou transformé

La liste des ajustements est nette :

  • Arrêt de la production du quadricycle Duo et de sa version cargo Bento, quelques mois seulement après leur lancement.
  • Suspension progressive du service de car‑sharing Zity dans certaines villes européennes, avec fermeture confirmée pour Milan et mise en pause à Madrid.
  • Disparition de Mobilize Beyond Automotive en tant qu’entité indépendante : le label Mobilize demeure pour les services financiers, mais les autres activités sont réévaluées et intégrées si elles présentent un intérêt stratégique.
  • Réallocation des équipes et des fonctions : la responsabilité des solutions de recharge passe sous la coupe du Chief Growth Officer, pour mieux aligner l’offre énergétique avec le cœur de métier.
  • La recharge : le pivot restant

    Renault n’abandonne pas tout. Au contraire, le constructeur capitalise sur ce qui fonctionne : la recharge et les services énergétiques. Le Charge Pass compte aujourd’hui près de 90 000 utilisateurs et donne accès à plus d’un million de points de charge en Europe. La Mobilize Fast Charge, réseau de charge rapide, se développe en France (plus de 60 stations) et vise une extension en Italie grâce à des partenariats. La technologie V2G (vehicle‑to‑grid) est également mise en avant : Renault a commencé à proposer des offres V2G pour particuliers et a testé des flottes en car‑sharing exploitant cette technologie.

    Conséquences sociales et humaines

    La transition s’accompagne d’un ajustement des ressources : environ 80 postes seraient concernés par des suppressions, partiellement gérées via des départs volontaires ou des reclassements internes. Au‑delà du chiffre, c’est une modification du paysage industriel qui se dessine : moins d’expérimentations isolées, plus d’intégration au sein des divisions existantes. Pour les salariés, les techniciens et les ingénieurs qui ont travaillé sur Mobilize, l’impact est réel ; pour les villes et les usagers, la conséquence est le retrait ou la réduction de services innovants, parfois promis comme des alternatives à la possession individuelle.

    Leçons pour la mobilité partagée

    Plusieurs enseignements se dégagent de cet épisode :

  • La sharing economy appliquée à l’automobile reste difficile à industrialiser : marges faibles, fort besoin en infrastructures et modèle économique fragile.
  • L’intégration verticale (constructeur + recharge + services) semble plus robuste que des activités périphériques isolées.
  • Il faut des synergies claires entre services déployés et objectifs stratégiques du constructeur pour justifier des investissements lourds.
  • Ce que cela signifie pour le conducteur en Occitanie

    Concrètement, pour le pilote quotidien de nos routes régionales, la décision de Renault ne change pas immédiatement la donne : les véhicules E‑Tech, les offres d’électrification et les solutions de recharge continuent d’évoluer. En revanche, les habitués du car‑sharing ou les entreprises locales qui avaient commencé à s’appuyer sur Zity ou sur des micro‑véhicules pour des livraisons urbaines devront repenser leurs solutions. Les acteurs de la mobilité locale pourraient voir dans cette réorganisation une opportunité : les services efficaces et économiquement viables pourront être repris ou adaptés au niveau régional, notamment via des partenariats publics‑privés.

    Vers un Renault plus pragmatique

    Le message stratégique est clair : Renault pivote vers une posture plus pragmatique, moins d’expérimentations non rentables, et davantage de concentration sur l’électrification, les services énergétiques et le numérique intégré à la voiture. Un nouveau plan stratégique est attendu dans les prochains mois — il devrait préciser le rôle réservé à la mobilité « beyond automotive » et détailler l’allocation du capital pour les années à venir.

    Pour les passionnés et les professionnels

    Pour les passionnés d’autos en Occitanie, cette décision confirme que l’avenir immédiat reste technologique (batteries, V2G, infrastructures) plutôt que basé sur des promesses de services partagés universels. Pour les professionnels du secteur — gestionnaires de flotte, opérateurs urbains, PME de logistique —, c’est l’heure d’optimiser les modèles économiques et de rechercher des alliances locales solides, afin d’éviter des initiatives trop dépendantes d’un grand groupe qui peut replier ses ambitions.