Un renouveau industriel inattendu à Orbassano

À quelques kilomètres à l’ouest de Turin, l’ancien site Blutec d’Orbassano retrouve vie grâce à Mole Urbana, la jeune entreprise italienne fondée par le designer Umberto Palermo. Pendant des années, l’usine est restée à l’arrêt, symbole d’une crise industrielle profonde dans le Piémont. Aujourd’hui, un simple panneau « Si assumono operai per montare automobili » résonne comme une musique d’espoir pour les habitants et les milliers de salariés démunis.

Des recrutements massifs pour relancer la production

Le plan de Mole Urbana débute avec l’embauche immédiate de vingt ouvriers qualifiés dans l’atelier de montage. L’objectif à court terme est d’atteindre cent salariés directs, puis, grâce aux sous-traitants et aux fournisseurs régionaux, de générer quelque quatre cents emplois dans l’industriel local. Cette stratégie de filière – du Piémont jusqu’aux ateliers des Marches – mise sur les compétences et le savoir-faire italien pour concevoir, assembler et commercialiser une gamme complète de véhicules électriques compacts.

Une gamme électrique pensée pour la ville

La force de Mole Urbana réside dans son positionnement : douze modèles aux dimensions proches des kei-cars japonaises, adaptés à la circulation urbaine et périurbaine. Le catalogue comprendra :

  • Microcars deux places, avec un empattement réduit pour un rayon de braquage minimal.
  • Petites citadines quatre places, idéales pour les familles et les déplacements courts.
  • Modèles utilitaires légers, offrant un volume de chargement adapté aux livraisons urbaines.
  • Chaque véhicule reposera sur une architecture modulaire, permettant de standardiser les composants et d’optimiser les chaînes de production. Cette modularité garantit aussi une maintenance simplifiée et des coûts de fabrication maîtrisés.

    Un plan de production graduel et réaliste

    Pour ne pas brusquer les marchés, Mole Urbana adopte un calendrier progressif :

  • Phase 1 (mois 1 à 6) : production de quelques centaines d’unités pour tester la chaîne logistique et valider les approvisionnements locaux.
  • Phase 2 (mois 7 à 12) : montée en cadence vers 2 000 véhicules, grâce à l’industrialisation de quatre modèles principaux.
  • Phase 3 (année 2 à 4) : extension à cinq mille unités par an, avec l’ajout de huit variantes pour répondre à des niches spécifiques (véhicule rural, atelier mobile, mini-camion électrique).
  • Ces prévisions, bien que modestes face aux volumes des grands constructeurs, sont suffisantes pour maintenir une production 100 % italienne et pérenniser l’activité locale.

    Un deuxième site à Fabriano pour élargir la filière

    Dans les mois à venir, Mole Urbana concrétisera son projet de décentralisation en ouvrant un nouveau site à Fabriano, dans les Marches. Cette usine, entièrement dédiée à l’impression 3D des éléments de carrosserie en matériaux composites, permettra de renforcer la collaboration entre le Piémont et la côte adriatique. L’utilisation de technologies additives offrira une flexibilité sans précédent pour les petites séries et les pièces sur mesure, tout en réduisant les délais de production.

    Financements publics et privés pour garantir la viabilité

    Le projet bénéficie d’un soutien institutionnel solide : le Ministère des Entreprises et du Made in Italy apporte une subvention pour la reconversion du site Blutec. Parallèlement, Cdp Venture Capital et plusieurs investisseurs privés italiens injectent des capitaux pour financer les phases de montée en puissance. Ce montage financier mixte assure à Mole Urbana une trésorerie suffisante pour absorber les coûts de recherche, d’industrialisation et de lancement commercial.

    Un design italien au service de la durabilité

    Au-delà des technologies, Mole Urbana place le design au cœur de sa proposition de valeur. Inspirées par l’école du minimalisme méditerranéen, les lignes extérieures épurées séduisent dès le premier regard. À l’intérieur, l’accent est mis sur le choix de matériaux durables :

  • Tissus recyclés pour les assises et les panneaux de portes.
  • Plastiques biosourcés pour les éléments de tableau de bord.
  • Finitions en aluminium anodisé pour limiter l’usage de peintures polluantes.
  • Ce soin accordé aux matériaux confère aux véhicules une élégance discrète tout en respectant l’écoresponsabilité promise.

    Un modèle socio-économique ancré dans les territoires

    Mole Urbana ne se limite pas à la production de voitures : elle tisse un réseau d’ateliers d’entretien et de formation dans les deux régions. Ces centres permettront aux nouveaux salariés d’acquérir des compétences spécifiques aux véhicules électriques : diagnostic des batteries, réparations des moteurs à aimants permanents, gestion des logiciels embarqués. En parallèle, des partenariats avec des écoles techniques locales offrent des stages et des apprentissages, assurant un vivier de talents pour l’entreprise.

    Perspectives et défis à relever

    Si la relance d’Orbassano marque une étape décisive, plusieurs défis restent à relever : garantir la qualité constante des composants locaux, adapter les véhicules aux normes européennes de sécurité et d’homologation, et construire un réseau de distribution structuré. Néanmoins, la volonté de Mole Urbana de privilégier le Made in Italy et de valoriser le capital humain offre un modèle exemplaire de réindustrialisation locale.