Une décision stratégique mais risquée pour Mirafiori

    Le transfert annoncé des activités de Maserati de l’usine historique de Mirafiori vers le nouveau site de Modène marque une étape majeure dans la recomposition du groupe Stellantis. Si cette relocalisation vise à rationaliser la production, à rapprocher l’assemblage des motorisations et à bénéficier d’infrastructures plus récentes, elle suscite également de nombreuses interrogations quant à l’avenir industriel et social de la région piémontaise. Dans cet arbitrage, le constructeur italien semble prêt à abandonner un site centenaire, mais à quel prix ?

    Enjeu humain : 380 emplois menacés chez Lear

    Au cœur de cette décision se trouve Lear Corporation, fournisseur clé de Maserati pour les systèmes de sièges et d’électronique embarquée. Basée à Mirafiori, l’usine emploie environ 380 salariés chargés d’installer et de tester les éléments intérieurs des modèles haut de gamme. Avec le déménagement programmé à Modène, ces employés se retrouvent sans visibilité : fermetures de lignes, suppressions de postes et rupture des contrats de sous-traitance sont redoutées pour les mois à venir.

    • 380 travailleurs concernés par une possible cessation d’activité.
    • Risques de transfert partiel ou total des équipements vers Modène.
    • Incidence directe sur l’économie locale et le tissu social de Turin.

    Mobilisation syndicale et appels aux pouvoirs publics

    Face à ce scénario, les syndicats ont rapidement réagi, réclamant la tenue d’instances de concertation et l’intervention des autorités. CGIL, CISL et UIL ont lancé une alerte sur le risque de désertification industrielle de Mirafiori et exigé des garanties de maintien de l’emploi. Ils plaident pour un « plan de reconversion » ou une possible relocalisation d’autres activités sur le site. Les représentants des salariés demandent également des mesures de soutien pour accompagner la formation professionnelle des ouvriers et leur reclassement éventuel.

    Conséquences économiques pour la région turinoise

    La fermeture partielle ou totale de l’usine Lear aurait un effet domino dans la chaîne de sous-traitance locale. De nombreux petits fournisseurs de composants et prestataires logistiques dépendent directement de cette ligne de production. Un arrêt imprévu pourrait se traduire par une baisse significative du chiffre d’affaires pour ces acteurs, fragilisant des PME déjà soumises à la concurrence internationale et aux fluctuations de la demande automobile.

    • Réduction probable des commandes auprès des sous-traitants locaux.
    • Diminution du trafic routier et ferroviaire pour les livraisons quotidiennes.
    • Impact négatif sur les services de proximité (restauration, commerce de détail, transport).

    Scénarios de reconversion et perspectives pour les salariés

    Pour limiter l’onde de choc sociale, plusieurs pistes sont évoquées :

    • Redéploiement sur d’autres lignes Stellantis à Mirafiori ou dans la région.
    • Création d’un pôle dédié à la mobilité électrique ou aux nouvelles motorisations.
    • Formation accélérée en maintenance automobile avancée et robotique industrielle.

    Les syndicats négocient également des indemnités de départ et des dispositifs de chômage partiel pour amortir la transition. La capacité des pouvoirs publics à soutenir ces mesures pourrait faire la différence entre une relance maîtrisée et une crise sociale prolongée.

    Leçons pour l’industrie automobile italienne

    Cette affaire rappelle que la réorganisation des sites de production doit impérativement intégrer la dimension humaine et territoriale. Si la recherche d’efficience opérationnelle est indispensable pour rester compétitif sur un marché globalisé, le coût social d’un tel changement ne doit pas être ignoré. Les entreprises et l’État doivent coopérer pour anticiper les conséquences, favoriser l’innovation locale et préserver le savoir-faire historique qui a fait la renommée du secteur automobile italien.

    Suivi et prochaines étapes

    Dans les prochaines semaines, plusieurs réunions sont programmées entre représentant·e·s de Maserati, de Lear, des syndicats et des institutions régionales. Un comité de suivi doit être mis en place pour examiner les propositions de reconversion et suivre l’évolution des négociations. L’enjeu est double : concilier les impératifs industriels de la marque de luxe et garantir un avenir professionnel décent pour les 380 salarié·e·s touché·e·s par cette décision.

    Un exemple à méditer pour l’ensemble du secteur

    Alors que l’automobile se réinvente entre électrification et digitalisation, le cas de Mirafiori souligne l’importance de l’équilibre entre innovation technologique et responsabilité sociale. Les acteurs de la filière sont invités à réfléchir à des modèles de production plus durables, intégrant la formation continue des ouvriers et le développement économique des territoires. C’est ainsi que l’industrie pourra allier performance et cohésion, pour garantir une transition sans perdre le capital humain qui constitue son premier atout.