Le plan Re:Nissan : un virage radical pour retrouver la rentabilité
Nissan a dévoilé un plan de restructuration majeur baptisé Re:Nissan, visant à restaurer la profitabilité du constructeur d’ici la fin de l’exercice fiscal 2026. Sous la houlette du nouveau PDG Ivan Espinosa, l’objectif est clair : redresser une situation financière fragilisée depuis l’arrestation de Carlos Ghosn en 2018 et les secousses qui ont suivi. Malgré un portefeuille produits toujours compétitif et une trésorerie jugée « solide », Nissan doit faire face à une perte nette colossale de 4 milliards d’euros pour l’exercice 2024 et à une marge opérationnelle réduite à 0,6 % du chiffre d’affaires.
Un dégraissage massif de la force de travail
Pour compenser les pertes et rationaliser son organisation, Nissan prévoit de supprimer environ 20 000 emplois à travers le monde, soit près de 15 % de ses effectifs. Cette mesure drastique traduit la volonté de réduire les coûts salariaux et d’adapter la taille de l’entreprise à la demande réelle sur les différents marchés. La répartition géographique de ces suppressions n’a pas encore été détaillée, mais l’impact global devrait peser sur tous les grands pôles de production.
Fermeture de sept sites industriels stratégiques
- Argentine : arrêt complet des activités, marquant la fin d’une implantation historique.
- Kitakyushu (Japon) : annulation du projet d’usine de batteries, conséquence directe de l’ajustement des priorités technologiques.
- Mexique : réorganisation des lignes de production, sans localisation précise des réductions.
- États-Unis : passage en trois-quarts de régime à Smyrna (Tennessee), Canton (Mississippi) et Decherd (Tennessee), pour réduire la production de 25 %.
- Chine : fermeture de l’usine du Jiangsu, confrontée à une concurrence locale agressive sur le segment électrique.
- Espagne (Barcelone) : le site, déjà visé par une fermeture annoncée en 2020, reste sur la sellette, ayant entraîné en 2020 le licenciement de 3 000 salariés.
- Un septième site : sous condition d’efficacité et de demande, la localisation précise sera précisée ultérieurement.
Chiffres clés de l’exercice 2024
Au cours de l’exercice fiscal 2024 (clos au 31 mars 2025), Nissan a écoulé environ 3,35 millions de véhicules, générant 76 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Si le résultat opérationnel s’établit à 420 millions d’euros, la perte nette atteint 4 milliards d’euros. Le flux de trésorerie libre est négatif de 1,45 milliard, tandis que la division automobile enregistre une perte opérationnelle de 1,3 milliard. Le dernier trimestre a toutefois montré un léger redressement : 21 milliards de revenus et un résultat opérationnel de 35 millions. Néanmoins, l’année s’achève sur un trou budgétaire significatif, sans dividende versé aux actionnaires.
Renforcer l’efficacité industrielle et opérationnelle
Le plan Re:Nissan s’inscrit dans la continuité des précédentes stratégies (Nissan NEXT 2020-2023) et anticipe la vision long terme « Nissan Ambition 2030 », en passant par l’étape intermédiaire « The Arc » (2024-2026). Les axes prioritaires sont :
- Réduction de la complexité produits : simplification de 70 % du nombre de composants pour diminuer les coûts logistiques et de fabrication.
- Alliance technologique : renforcement des partenariats avec Mitsubishi et Honda pour mutualiser les plateformes et les co-développements.
- Optimisation de la chaîne d’approvisionnement : resserrement des fournisseurs pour garantir la qualité tout en maîtrisant les tarifs.
- Focus commercial : recentrage sur les gammes à marge élevée et sur les régions à fort potentiel de croissance.
Conséquences pour Renault et l’alliance
L’allié historique Renault voit ses comptes impactés à hauteur de 2,2 milliards d’euros à moyen terme, en raison des synergies financières au sein de l’alliance. Les économies attendues et les coopérations industrielles doivent donc être calibrées pour ne pas déséquilibrer le partenariat, tout en préservant l’indépendance stratégique de chaque entité.
Impacts sociaux et territoriaux
La suppression de postes et la fermeture de sites auront un effet direct sur les bassins d’emploi locaux, qu’il s’agisse du Tennessee, du Mississippi, de la province de Jiangsu en Chine ou de l’Argentine. En Occitanie, où Nissan n’est pas implanté, la mesure rappelle néanmoins la fragilité des emplois industriels face aux décisions globales de restructuration. Les collectivités et les pouvoirs publics devront anticiper des plans de reconversion professionnelle et des aides à la réindustrialisation pour soutenir les salariés concernés.
Enjeux pour l’avenir de Nissan
En misant sur la rentabilité avant le volume, Nissan choisit une voie ambitieuse mais risquée. Le pari est de restaurer la confiance des investisseurs, de stabiliser la trésorerie et de renouer avec une dynamique positive, tout en préparant l’offensive électrique et hybride. Reste à savoir si ce virage drastique suffira à transformer durablement le géant japonais et à remettre le constructeur sur la voie de la croissance.