Le Range Extender : la solution anti-« range anxiety » remise au goût du jour

Nombreux sont les automobilistes qui hésitent encore à franchir le pas de l’électrique, freinés par la crainte de tomber en panne de batterie loin d’une borne de recharge. Malgré des autonomies maintenant souvent supérieures à 400–500 km, la couverture du réseau reste inégale, surtout hors des grands axes. Ce syndrome d’« anxiété d’autonomie » pousse certains conducteurs à repousser indéfiniment leur passage aux zéro émission. La technologie du Range Extender, longtemps reléguée aux oubliettes, connaît aujourd’hui une véritable renaissance, incarnée notamment par les nouvelles solutions présentées par ZF.

Principes de fonctionnement et architectures modulaires

Contrairement aux hybrides classiques où le moteur thermique contribue directement à la traction, le Range Extender n’agit que comme générateur : le petit bloc essence ou diesel produit de l’électricité pour recharger les batteries lorsque celles-ci atteignent un seuil bas. ZF a structuré son offre en deux plateformes distinctes :

  • eRE : regroupe un moteur électrique dédié (70–150 kW), un onduleur (inverter) intégré, un système d’engrenages planétaires et un logiciel de gestion optimisant la production d’électricité.
  • eRE+ : reprend les éléments de l’eRE, tout en ajoutant une embrayage intelligent et un différentiel. Cette architecture peut ainsi reprendre le rôle de second moteur de traction (utile pour les transmissions intégrales ou boosts ponctuels de puissance).

Ces modules sont conçus pour s’intégrer facilement sur des architectures 400 V ou 800 V, donnant aux constructeurs une flexibilité d’adaptation à différents segments de véhicules sans nécessité de refonte complète de la plateforme.

Avantages techniques et économiques

Le recours à un petit moteur thermique, tournant en permanence à son régime optimal, permet de limiter la consommation et les émissions tout en garantissant une autonomie combinée nettement supérieure à celle des BEV (Battery Electric Vehicles) purs :

  • Autonomie rallongée : possibilité de parcourir plusieurs centaines de kilomètres supplémentaires sans arrêt prolongé pour recharger.
  • Réduction de la « range anxiety » : sentiment de sécurité accru pour les trajets hors des zones urbanisées.
  • Simplicité d’intégration : modules préfabriqués compatibles avec les architectures existantes.
  • Optimisation de coût : éviter des batteries surdimensionnées et onéreuses pour couvrir de rares trajets longue distance.

Une technologie éprouvée… et revisitée

Le concept n’est pas nouveau : on le retrouve dès 2012 sur l’Opel Ampera et sa cousine Chevrolet Volt, couronnées Voiture de l’Année. La BMW i3 proposait également un petit moteur thermique optionnel pour prolonger la durée de vie du pack batterie. Plus récemment, la Mazda MX-30 R-EV a opté pour un moteur rotatif Wankel, garantissant un profil compact et une faible vibration.

Cependant, le développement stagnant des infrastructures dans de nombreux territoires a freiné l’adoption massive. Aujourd’hui, la montée en compétence des réseaux et l’explosion du marché en Chine relancent cet intérêt :

  • Les modèles REEV chinois (Range Extended Electric Vehicles) comme la Leapmotor C10 affichent déjà des autonomies combinées supérieures à 700 km, répondant aux besoins de déplacements interurbains.
  • ZF a profité de ses centres de R&D en Asie pour accélérer la mise au point de ses gammes eRE et eRE+, en phase avec les exigences de robustesse et de coût local.

Perspectives pour les constructeurs et les conducteurs

En Occitanie, où je parcours régulièrement les gorges du Tarn et les cols des Cévennes, je vois deux bénéfices concrets :

  • Praticité : pouvoir enchâîner plusieurs journées de balade sans craindre de devoir planifier chaque arrêt selon la carte des bornes.
  • Écologie raisonnée : privilégier l’électrique au quotidien tout en conservant un « filet de sécurité » pour les escapades lointaines.

Pour les constructeurs, l’approche modulaire de ZF permet d’équiper aussi bien des citadines, des SUV ou des utilitaires. La multiplication des références eRE et eRE+ sur différents segment annonce une diversification rapide de l’offre hybride rechargeable légère, sans recourir à de lourdes batteries de grande capacité.

Zoom sur l’intégration dans la chaîne de traction

  • Le moteur électrique principal continue d’assurer la traction et le dynamisme des accélérations.
  • Le Range Extender prend le relais pour maintenir la charge de la batterie lorsque celle-ci descend en dessous d’un seuil prédéfini.
  • En version eRE+, l’embrayage intelligent peut engager le module thermogénérateur comme booster ponctuel pour les phases de forte demande (montée, dépassement).
  • La gestion logicielle coordonne le déclenchement du générateur, limitant le bruit et les émissions au strict nécessaire.

Un avenir prometteur pour la mobilité électrique

La revalorisation du Range Extender pourrait bien devenir un argument clé pour accélérer la transition énergétique, en supprimant l’une des dernières réticences des automobilistes. En alliant le silence de l’électrique, la simplicité d’usage et l’assurance d’une autonomie étendue, cette troisième voie redonne un coup de jeune à l’hybridation. Et si l’avenir de nos routes, de la plaine toulousaine aux lacets pyrénéens, passait par cette alliance ingénieuse entre le moteur thermique et l’électrique ?