Passer sa vieille thermique à l’électrique fait rêver de plus en plus d’automobilistes. Garder sa voiture fétiche, éviter d’acheter un SUV de 2 tonnes bourré d’électronique, tout en roulant propre… Le rétrofit coche beaucoup de cases. Mais entre les kits, la réglementation, l’homologation, on peut vite se perdre.
Dans cet article, je vous propose un tour d’horizon complet pour comprendre comment choisir un moteur électrique pour votre projet de retrofit, comment se passe l’installation en pratique, et surtout comment faire homologuer le tout en France sans y laisser votre santé (ni votre portefeuille).
Le retrofit, c’est quoi exactement ?
Le retrofit consiste à retirer le moteur thermique (essence ou diesel) d’un véhicule existant pour le remplacer par un moteur électrique, accompagné de sa batterie et de toute la chaîne de traction adaptée (contrôleur, chargeur, câblage haute tension…).
Depuis 2020, le retrofit électrique est officiellement encadré par la loi en France. On ne parle donc plus de bricolage de garage, mais d’une vraie transformation homologable et reconnue par l’administration, avec une nouvelle carte grise en « Énergie : Électrique ».
En pratique, cela signifie :
- On retire le moteur thermique, la boîte (parfois), le réservoir, l’échappement.
- On installe un moteur électrique (ou plusieurs) et une batterie.
- On adapte l’interface conducteur : pédale d’accélérateur, éventuels modes de conduite, instrumentation.
- On passe par un installateur agréé, qui suit un kit homologué pour un certain type de véhicule.
Le résultat : une voiture qui ne consomme plus une goutte de carburant, ne rejette plus de CO₂ à l’échappement, et garde le charme de votre auto d’origine.
Pourquoi rétrofiter sa voiture plutôt que d’en acheter une neuve ?
On entend souvent : « Autant acheter une électrique neuve, non ? ». Pas forcément. Le retrofit a plusieurs atouts.
- Vous gardez votre véhicule : pratique si vous y tenez (ancienne, youngtimer, utilitaire aménagé, véhicule pro spécifique…).
- Impact environnemental réduit : on évite de fabriquer une voiture neuve entière. On ne remplace “que” le groupe motopropulseur.
- Accès aux ZFE : une voiture de 20 ans transformée en électrique peut rouler dans les zones à faibles émissions.
- Sensations de conduite : couple immédiat, silence, confort… dans une caisse que vous connaissez déjà par cœur.
- Patrimoine roulant : de nombreuses anciennes (2CV, Coccinelle, 4L…) prennent une seconde vie plutôt que de finir au fond d’un garage.
Évidemment, tout n’est pas rose : le coût, l’autonomie limitée par l’espace disponible pour les batteries, et la complexité administrative sont à prendre en compte. D’où l’intérêt de bien préparer son projet.
Avant de choisir un kit : définir son usage réel
Avant même de parler de moteur, posez-vous quelques questions très terre à terre. C’est ce qui fera la différence entre un retrofit réussi et une galère coûteuse.
1. Quels trajets faites-vous vraiment ?
- Trajets quotidiens inférieurs à 50 km : un petit pack batterie suffit largement.
- Usage mixte avec voies rapides : viser une autonomie réelle de 150 km est plus confortable.
- Longs trajets fréquents : le retrofit n’est peut-être pas la meilleure solution… ou alors il faudra accepter de s’arrêter souvent pour recharger.
2. Quel est le type de véhicule ?
- Citadines et compactes : parfaites pour le retrofit (Clio, 205, Twingo, C3, etc.).
- Utilitaires légers : très intéressants pour les pros en ville (Trafic, Jumper, Master…).
- Anciennes et de collection : gros potentiel plaisir, mais contraintes techniques parfois plus fortes.
- Gros SUV ou berlines lourdes : possible, mais le coût batterie/poids grimpe vite.
3. Quel budget réaliste ?
À l’heure actuelle, un retrofit réalisé par un professionnel agréé se situe généralement entre 12 000 € et 25 000 € TTC, selon le véhicule et la capacité de batterie. On est loin du petit kit à 3 000 € qu’on monte soi-même dans son garage… et pour cause, on parle d’un système haute tension homologué.
Choisir son moteur électrique : les critères qui comptent vraiment
Dans un kit de conversion, le « moteur » ne va pas seul : il est indissociable du contrôleur (l’électronique de puissance) et du pack batterie. Mais quelques critères moteur restent clés.
Puissance nominale et puissance crête
La réglementation impose que la puissance du système électrique ne dépasse pas de plus de 20 % la puissance d’origine du véhicule (sauf cas particuliers de véhicules très anciens). Donc, si votre voiture faisait 90 ch, vous ne pourrez pas légalement passer à 200 ch électriques…
Avec un moteur électrique, la puissance crête peut être assez élevée sur de courtes durées, mais ce qui vous intéresse surtout, c’est :
- La puissance continue (pour rouler longtemps à une certaine vitesse).
- Le couple disponible (agrément en ville, reprises).
Dans la pratique, un kit de 50 à 80 kW (68 à 109 ch) suffit largement pour une citadine ou une compacte, grâce au couple instantané.
Type de moteur
On retrouve principalement :
- Moteurs synchrones à aimants permanents : compacts, efficaces, très répandus.
- Moteurs asynchrones (induction) : robustes, un peu moins chers, légèrement moins efficaces mais très fiables.
Pour un particulier, le choix sera surtout conditionné par le kit proposé par l’installateur et l’homologation déjà obtenue, plus que par une décision technique personnelle.
Refroidissement
- Refroidissement par air : plus simple, moins de pièces, adapté à de petites puissances.
- Refroidissement liquide : meilleure tenue à l’effort (côtes, charge lourde, voies rapides répétées).
Sur un utilitaire ou un véhicule destiné à rouler chargé ou en montagne, un système refroidi par liquide est souvent préférable.
Ne pas oublier la batterie : cœur du retrofit
Un bon moteur avec une batterie sous-dimensionnée, c’est comme un V6 avec un réservoir de 10 litres : la frustration garantie.
Capacité (kWh) et autonomie
Pour une voiture moyenne, on peut retenir un ordre de grandeur :
- 15 à 20 kWh : 80 à 120 km réels, usage urbain/péri-urbain.
- 25 à 30 kWh : 150 à 200 km réels, usage polyvalent tranquille.
- Plus de 35 kWh : plus rare en retrofit, car il faut de la place et le poids augmente.
L’installateur doit trouver le compromis entre :
- Volume disponible (coffre, emplacement réservoir, sous plancher).
- Poids total (la réglementation limite la prise de poids).
- Répartition des masses pour la tenue de route et le freinage.
Type de batterie et sécurité
Les kits sérieux utilisent des batteries lithium modernes avec :
- Un BMS (Battery Management System) certifié, qui surveille température, tension, équilibrage des cellules.
- Des protections haute tension : fusibles, contacteurs, relais de sécurité.
- Un caisson de batterie conçu pour résister aux chocs et à la corrosion.
C’est aussi pour cela qu’un retrofit homologué coûte plus cher qu’un bricolage maison : le niveau de sécurité attendu est celui d’un véhicule moderne.
Installation : comment se passe un retrofit en pratique ?
En théorie, on pourrait se dire : « Je commande un kit sur Internet et je me débrouille ». En pratique, en France, pour obtenir une carte grise électrique, le montage doit être réalisé par un professionnel agréé retrofit, avec un kit homologué pour un type de véhicule (ou une famille de véhicules).
Les grandes étapes chez un installateur
- Diagnostic initial : état général du véhicule (châssis, freins, corrosion), faisabilité technique, estimation de coût.
- Démontage du thermique : moteur, périphériques, réservoir, ligne d’échappement, parfois boîte de vitesses.
- Intégration du moteur électrique : adaptation de la transmission (conservation ou suppression de la boîte, adaptation de l’embrayage ou d’un réducteur dédié).
- Installation de la batterie : supports, fixation, protections, connexion au BMS.
- Câblage haute tension et basse tension : moteur, contrôleur, chargeur, convertisseur 12 V.
- Interface conducteur : pédale d’accélérateur, éventuellement sélecteur de marche avant/arrière, témoins de sécurité.
- Tests statiques et dynamiques : vérification électrique, essais routiers, ajustements.
Le tout peut prendre plusieurs jours à plusieurs semaines selon la complexité du véhicule et la charge de l’atelier.
Homologation en France : ce qu’il faut impérativement savoir
C’est le point qui freine souvent les projets « maison » : la réglementation française est stricte, mais elle permet désormais le retrofit dans un cadre clair.
Conditions générales
Pour être éligible au retrofit électrique :
- Le véhicule doit avoir plus de 5 ans (voitures particulières) ou plus de 3 ans (véhicules utilitaires légers).
- Le retrofit doit être réalisé par un professionnel habilité.
- Le kit utilisé doit être homologué pour ce modèle ou cette famille de modèles.
- Le poids total et la répartition des charges doivent rester dans certaines limites.
- Les performances (freinage notamment) doivent rester au moins équivalentes au véhicule d’origine.
Rôle de l’UTAC et de la DREAL
Les kits sont validés au niveau national (UTAC, etc.) puis appliqués à des véhicules précis. En fonction du cas :
- Soit le kit est déjà homologué pour votre modèle, et les démarches sont simplifiées.
- Soit il faut passer par une réception à titre isolé, avec dossier technique plus lourd.
L’installateur prend généralement en charge le dossier :
- Constitution des documents techniques.
- Contrôle auprès de la DREAL régionale.
- Obtention du procès-verbal permettant de modifier la carte grise.
Carte grise et assurance
Une fois la transformation validée, la carte grise est modifiée :
- Énergie : « Électrique ».
- Puissance fiscale adaptée.
- Mention éventuelle de transformation.
L’assurance doit être informée de la modification. Un retrofit réalisé dans les règles avec un professionnel agréé et un kit homologué est généralement assurable sans problème, parfois avec une surprime au départ. À l’inverse, un retrofit artisanal non homologué peut vous laisser totalement découvert en cas d’accident.
Combien coûte un retrofit, et quelles aides existent ?
Ordres de grandeur de prix
En 2025, on constate en France, pour des conversions réalisées par des professionnels agréés :
- Citadine / petite compacte : environ 12 000 à 18 000 € TTC.
- Compacte / berline moyenne : 15 000 à 22 000 € TTC.
- Utilitaire léger : 18 000 à 25 000 € TTC (parfois plus selon capacité batterie).
Le prix dépend surtout :
- De la taille et capacité de la batterie.
- Du niveau de finition de l’intégration (instrumentation, charge rapide, etc.).
- De la rareté du véhicule (plus c’est exotique, plus c’est cher à homologuer).
Aides financières
L’État a mis en place une prime au retrofit électrique sous certaines conditions (revenus, usage, localisation…). Elle peut atteindre plusieurs milliers d’euros, notamment pour les professionnels ou les véhicules utilisés en zone à faibles émissions.
De nombreuses collectivités (régions, métropoles) ajoutent des aides locales pour les véhicules propres transformés. En Occitanie par exemple, les dispositifs évoluent régulièrement, et il vaut le coup de vérifier :
- Sur le site de la région.
- Auprès de votre métropole ou communauté d’agglo.
- Via votre installateur, qui connaît souvent bien le paysage des aides.
Les erreurs fréquentes à éviter
Pour éviter que votre projet de retrofit ne se transforme en gouffre à euros, quelques pièges à éviter.
- Choisir un kit sans penser à l’usage : une autonomie de 70 km peut être parfaite pour certains, totalement insuffisante pour d’autres.
- Se focaliser uniquement sur la puissance : 60 ou 70 kW électriques bien gérés suffisent largement pour la plupart des usages quotidiens.
- Sous-estimer l’état du véhicule : un châssis pourri par la rouille avec un beau moteur électrique dedans reste une mauvaise voiture.
- Vouloir absolument faire soi-même pour « économiser » : sans homologation, pas d’assurance correcte, donc un risque énorme.
- Oublier le temps d’immobilisation : votre voiture peut être immobilisée plusieurs semaines, il faut l’anticiper.
Pour quel profil le retrofit est-il vraiment intéressant ?
Toutes les situations ne se valent pas. Le retrofit est particulièrement pertinent si :
- Vous avez un véhicule auquel vous tenez : ancienne, voiture de famille, utilitaire aménagé, véhicule pro adapté à votre activité.
- Vos trajets sont majoritairement locaux : ville, péri-urbain, tournées professionnelles, livraisons…
- Vous êtes impacté par les ZFE et les restrictions Crit’Air.
- Vous voulez rouler électrique mais sans acheter un véhicule neuf hors de prix.
À l’inverse, si vous changez de voiture tous les 3 ans, faites régulièrement des 800 km d’une traite et que l’aspect « caractère du véhicule » vous importe peu, une électrique neuve (ou récente d’occasion) sera souvent plus simple et plus rationnelle.
Comment bien démarrer son projet de retrofit ?
Pour terminer avec du concret, voici une démarche simple pour avancer sans se perdre :
- Faites l’état des lieux de votre usage : kilomètres annuels, types de trajets, contraintes ZFE, budget.
- Listez les véhicules potentiellement intéressants : le vôtre, ou un modèle que vous seriez prêt à acheter d’occasion pour le rétrofiter.
- Contactez deux ou trois installateurs agréés : demandez des devis comparables (capacité batterie, type de kit, délais, prise en charge des démarches admin).
- Posez des questions précises : autonomie testée, performances, possibilités de recharge (prise domestique, wallbox, borne publique), garanties moteur/batterie.
- Vérifiez les aides disponibles : État, région, métropole, dispositifs pros si vous êtes artisan, TPE, etc.
- Ne signez qu’avec un installateur transparent sur l’homologation : type de réception, délais estimés, prise en charge jusqu’à la carte grise.
Le retrofit n’est pas une solution miracle, mais c’est une voie très intéressante pour prolonger la vie d’un véhicule que l’on aime, limiter son impact environnemental et accéder à la mobilité électrique sans forcément tomber dans la course à la voiture neuve ultra-connectée. Bien préparé, bien encadré et réalisé dans les règles de l’art, c’est un excellent compromis entre passion automobile et bon sens moderne.

