Contexte historique et genèse de la BMW Turbo Concept

En 1972, alors que Munich s’apprête à accueillir les Jeux olympiques d’été, BMW profite de l’événement pour dévoiler un vaisseau technologique : la Turbo Concept. Plus qu’un simple show-car, cette coupé à deux places imaginée par Paul Bracq symbolise l’avant-garde bavaroise en matière de design et d’ingénierie. Installée à quelques encablures des pistes d’athlétisme, la voiture fait office de vitrine pour les innovations que BMW rêve d’intégrer sur ses futures séries sportives.

Seuls deux exemplaires ont été construits, mais leur impact sur l’histoire du constructeur est colossal : la Turbo esquisse les contours de la première BMW M1, modèle mythique produit à seulement 456 unités entre 1978 et 1981, ainsi que de nombreux éléments stylistiques repris sur la gamme M et les sportives de la marque.

Une silhouette avant-gardiste signée Paul Bracq

La silhouette de la Turbo frappe immédiatement par ses proportions ultra-basses : longueur réduite, capot effilé, hauteur contenue (<1,10 m), tout concourt à exprimer la vitesse à l’arrêt. Les portes « papillon » (ou gullwing) à ouverture verticale s’inspirent des légendaires 300 SL des années 1950, tout en modernisant la notion d’accès au cockpit. À l’avant, le double « groin » de BMW est incliné vers l’avant, lui donnant une allure agressive que les puristes appelleront plus tard « nez de requin ».

La face avant intègre des phares escamotables, tandis que les passages de roues arrière sont partiellement carénés pour améliorer l’aérodynamisme. Le profil se caractérise par une ligne de ceinture continue, une découpe précise qui relie le pare-brise à la poupe, accentuant l’impression de dynamique même lorsque la voiture est à l’arrêt.

Laboratoire de sécurité et d’assistance embarquée

Sous cette carrosserie d’apparence simple se cache un véritable terrain d’expérimentation. BMW accompagne sa démonstration de concept-car par l’intégration de technologies alors inouïes pour une voiture de sport :

  • ABS naissant : système antiblocage de roues conçu pour éviter le blocage en freinage appuyé et garantir la même portée d’arrêt sur sol glissant.
  • Radar de distance : capteur avant permettant de mesurer l’écart avec le véhicule précédent, prémices des systèmes de régulation de vitesse.
  • Capteurs d’accélération latérale : destinés à surveiller la stabilité en virage et préparer le terrain des aides électroniques à la conduite.
  • Cintures à verrouillage d’allumage : un dispositif de sécurité active qui interdit le démarrage tant que le conducteur n’est pas correctement sanglé.
  • Zones de déformation contrôlée : structure avant dotée de lames pliables pour absorber l’énergie d’impact, associée à des amortisseurs hydrauliques réactifs.

Ces dispositifs, expérimentés sur la Turbo, se retrouveront progressivement sur les séries de production et préfigureront la philosophie BMW consistant à marier sportivité et sécurité.

Architecture mécanique et performances chiffrées

Au cœur de ce coupé trône un robuste quatre-cilindres turbocompressé de 2,0 L, monté en position centrale transversale. Les ingénieurs annoncent une puissance de 280 ch pour un poids mesuré à 1 272 kg à vide, soit un rapport poids/puissance très flatteur pour l’époque. Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • 0 à 100 km/h en 6,6 secondes
  • Vitesse de pointe de 250 km/h
  • Couple maximal obtenu dès 3 000 tr/min, fruit du turbocompresseur travaillant à pleine pression

La répartition des masses, soignée autour de la cellule centrale, assure un comportement équilibré. Les suspensions hydrauliques, combinées à la faible hauteur de caisse, garantissent une tenue de route précise, même dans les enchaînements rapides.

Héritage stylistique et technique sur les modèles de série

La Turbo Concept a non seulement servi de muse au design de la M1, mais elle a également inspiré les lignes épurées des générations suivantes de BMW. Les attributs suivants ont perduré :

  • Les portes « gullwing » reprises ponctuellement sur des séries limitées et concept-cars ultérieurs.
  • Le capot allongé et la silhouette basse, évocateurs de la vocation sportive de chaque modèle M.
  • Le cockpit orienté vers le conducteur, désormais caractéristique de la marque pour renforcer la sensation de « pilote ».
  • La double grille avant stylisée, devenue un élément central de l’identité visuelle des BMW jusqu’à nos jours.

Sur le plan mécanique, l’idée d’associer turbocompresseur et châssis léger se répandra rapidement dans les gammes M1, M3 et M5, faisant de la traction suralimentée une référence de performance.

Les deux exemplaires survivants et leur situation actuelle

Aujourd’hui, les deux Turbo Concept encore existantes sont soigneusement préservées dans des lieux emblématiques : l’une est exposée au BMW Museum de Munich, véritable conservatoire de l’histoire de la marque, l’autre se trouve au BMW Zentrum en Caroline du Sud, où passionnés et collectionneurs peuvent admirer cette pièce maîtresse du design automobile.

En parcourant les allées de ces institutions, on mesure l’audace qu’a représentée la Turbo Concept en 1972 et l’influence majeure qu’elle a exercée sur les modèles ultérieurs. Pour tout amateur de belles mécaniques, découvrir ce concept-car revient à assister à la genèse d’une lignée de sportives devenues légendaires.

Pourquoi la Turbo Concept fascine toujours aujourd’hui

  • Sa cohérence entre esthétique futuriste et fonctionnelle, qui ne sacrifiera jamais l’aérodynamique au profit du look.
  • L’introduction précoce de technologies de sécurité avancée, cinquante ans avant qu’elles ne deviennent courantes.
  • Le mariage réussi du turbo et du chassis allégé, annonciateur des performances qu’on attend d’une supercar.
  • Le symbole qu’elle représente pour BMW : l’audace d’oser tester des solutions radicales, gage d’innovation constante.

Entre Munich et l’Occitanie, Gérard ne manque jamais une occasion de saluer l’esprit pionnier de cette étonnante Turbo Concept, dont l’ombre plane encore sur chaque nouvelle bavaroise à la silhouette sportive.