En 1950, Alfa Romeo franchit un tournant décisif avec le lancement de la 1900, un modèle qui rompt avec la tradition artisanale pour adopter des méthodes de production de série. Cette évolution majeure a non seulement sauvé la marque du redressement post-guerre, mais a également posé les bases de son futur rayonnement. Voyons comment cette berline a révolutionné la gamme du Biscione et transformé Alfa Romeo en constructeur de grande diffusion.

    Origines et contexte historique

    Après les bombardements de 1943, l’usine du Portello était à reconstruire. En 1946, Alfa Romeo S.p.A. renaît et propose d’abord des dérivés de la luxueuse 6C 2500, inaccessibles au plus grand nombre. Le défi était double :

    • Offrir un véhicule abordable en période de crise économique.
    • Conserver l’ADN sportif et technologique cher à la marque.

    C’est Orazio Satta Puglia, chef du bureau d’études, qui impulsa le passage à une production plus industrielle, tout en intégrant des solutions mécaniques sophistiquées.

    Le passage à la production de masse

    La 1900 marque la première Alfa Romeo à carrosserie autoportante, gage d’une structure plus légère et d’une rigidité accrue. Grâce à ce procédé :

    • Les lignes s’affinent et la silhouette gagne en modernité.
    • Le temps de montage par unité est réduit, permettant des volumes supérieurs.
    • Le coût de revient baisse, rendant la 1900 accessible aux familles.

    Avec un empattement idéal pour loger cinq passagers, la 1900 offre simultanément confort et habitabilité, jusqu’alors réservés aux catégories supérieures.

    Innovations techniques marquantes

    Plusieurs avancées distinguent la 1900 de ses concurrentes de l’époque :

    • Moteur 4 cylindres 1 884 cm³ de 90 ch, capable d’une vitesse de pointe de 150 km/h.
    • Finitions sportives TI (Intermezzo Touring) et Super, avec 180 à 190 km/h, grâce à un taux de compression plus élevé et un arbre à cames retravaillé.
    • Frenage révolutionnaire : disques aux quatre roues, offrant un mordant et une résistance à la chaleur inédits pour l’époque.
    • Suspension à roues indépendantes à l’arrière, améliorant le comportement routier sur routes sinueuses.

    Ces innovations témoignent de la volonté d’Alfa Romeo de marier performance et fiabilité, même dans un segment de berlines familiales.

    Performances et variantes sportives

    Le succès de la 1900 Berline a rapidement donné naissance à une palette de versions « carrossées » par les plus grands spécialistes :

    • 1900 Sprint par Touring et Pinin Farina (1951-1958) : coupé élégant et plus léger grâce à la fibre de verre sur certains éléments.
    • 1900 SSZ de Zagato (1954-1955) : seulement 39 exemplaires, carrosserie allégée et puissance accrue à 102 ch.
    • 1900 Ministeriale : version à empattement long (3,08 m) destinée aux personnalités et administrations, produite à 95 unités.
    • 1900 M Matta (1952-1954) : variante tout-terrain, moteur dégonflé à 65 ch mais vraiment polyvalente sur chemins difficiles.

    En compétition, la 1900 a également brillé sur la Targa Florio, la Stella Alpina, la Coupe des Alpes et même le Tour de France Automobile, prouvant la robustesse de son châssis et la vigueur de son moteur.

    Succès commercial et héritage

    Le premier jalon est atteint dès 1954 : la production cumulative des 1900 dépasse le total des Alfa des dix années précédentes. Au final,

    • 17 390 exemplaires de la berline ont été assemblés au Portello.
    • Plus de 1 800 unités de Sprint et Super Sprint ont enrichi la gamme.

    Ce raz-de-marée industriel a non seulement assis la santé financière de la marque, mais il a aussi créé le socle sur lequel reposent la Giulietta et la Giulia des décennies suivantes. La 1900 a ainsi démontré qu’il était possible d’allier production en série et prestige, sans renoncer à l’âme sportive d’Alfa Romeo.