Renault passe du statut de constructeur à celui de scénographe automobile
Depuis sa création en 1899, Renault n’a jamais eu de véritable « musée » pour rassembler ses plus de 600 véhicules historiques. Entre boulangers amateurs de mécanique, bolides de rallye et monoplaces de Formule 1, la marque au losange disposait jusqu’à présent de quelques pièces disséminées à travers le monde, mais jamais d’un lieu unique pour raconter son épopée. Cet oubli sera réparé en 2027 avec l’ouverture, sur l’ancien site de production de la R5 à Flins, d’un « centre d’exposition » résolument tourné vers l’interaction et l’art contemporain plutôt que vers la simple contemplation silencieuse.
Un « non-musée » repensé pour la génération digitale
Renault a délibérément évité le terme de « musée ». L’objectif ? Proposer un parcours immersif où l’on ne se contente pas de lire des plaques descriptives, mais où chaque visiteur peut toucher, découvrir et expérimenter la relation entre automobile et culture urbaine. La direction évoque « une collection unique de véhicules et d’œuvres d’art, enrichie d’éléments interactifs » afin d’attirer un public plus jeune, habitué aux expériences numériques et au partage instantané sur les réseaux sociaux.
Flins, berceau industriel transformé en écrin moderne
Le choix de Flins n’est pas anodin : véritable symbole de l’industrie Renault, cette usine a vu naître les modèles phares de la marque – Dauphine, Renault 4, R5, Zoe – avant d’être progressivement délocalisée. L’architecte Jacob Celnikier a imaginé un bâtiment en « escalier » composé de six parallélépipèdes imbriqués, dont la taille augmente progressivement. Les façades, entièrement vitrées et éclairées, sortiront de l’image austère des usines pour inviter à la découverte et à l’émerveillement.
Une mise en scène à cinq étages de légende
Au cœur du centre d’exposition, un système de rayonnages architecturaux sur cinq niveaux sera consacré aux grands chapitres de l’histoire Renault :
- Les victoires mythiques à Le Mans et en Formule 1, avec des monoplaces iconiques triomphantes.
- La saga des Rallyes, où les turbo pointus et les dérivés de série ont marqué les années quatre-vingt.
- La Renault 5 « Art Cars » revisitées par des artistes contemporains, entre pop art et créations numériques.
- Le prototype Espace F1 en collaboration avec Williams, hybride entre monospace et monoplace de course.
- La voiture de visite officielle utilisée par la Reine Élisabeth II lors de son passage en France.
Plus de 50 % de ces véhicules resteront en état de marche, prêts à reprendre la route pour des démonstrations ou pour être présentés lors d’événements internationaux tels que le Goodwood Festival of Speed.
Art et patrimoine industriel réunis
Le « non-musée » intègrera également plusieurs milliers d’œuvres issues du Renault Fonds, créé en 1930 pour soutenir la scène artistique française. Parmi les pièces phares :
- Des tirages photographiques de Robert Doisneau, capturant l’âme de la France ouvrière.
- Une installation d’Arman (1967) réalisée à partir d’une carrosserie de Renault 4.
- Une série graphique d’Erró dédiée à la légendaire Renault 5.
- Des œuvres cinétiques de Victor Vasarely et des créations inspirées de l’Art Brut par Jean Dubuffet.
Ce dialogue entre patrimoine industriel et création contemporaine vise à inspirer les visiteurs et à démontrer la porosité entre technique automobile et expression artistique.
Un atelier de restauration ouvert à tous
Sous le même toit, Renault maintiendra un atelier de six techniciens et apprentis-mécaniciens dédié à la remise en état des voitures anciennes. Cette « workshop » accueillera également les visiteurs, désireux d’observer les gestes minutieux de restauration et de se familiariser avec les procédés mécaniques et électroniques des modèles historiques.
Auction de doublons et complétude de la collection
Fin 2025, Renault organisera une vente aux enchères de ses doublons historiques. Les recettes seront exclusivement consacrées à la recherche et à la restauration des modèles manquants dans la collection. Grâce à ce dispositif autofinancé, le futur centre d’exposition pourra offrir une vue quasiment exhaustive sur 125 ans d’innovation et de design automobile.
Une nouvelle adresse touristique à l’horizon 2027
Jean-Dominique Senard, président du directoire, ambitionne de transformer ce lieu en attraction majeure pour la région parisienne. En associant art, patrimoine et interaction, Renault frappe un grand coup pour renforcer son image et offrir un lieu de découverte inédit, où chaque passionné d’automobile ou simple curieux pourra vivre une aventure automobile au croisement de la technique, de l’histoire et de la création.