samedi 14 juin 2025

Le plaidoyer de John Elkann pour les « E-Car » européennes

L’Europe automobile traverse une phase critique : ventes en berne, parcs de véhicules vieillissants, et pression réglementaire sur les émissions de CO₂. Dans ce contexte, John Elkann, président de Stellantis, relance une idée qui sévit au Japon depuis les années 1940 : l’introduction des kei car, rebaptisées ici « E-Car », pour dynamiser le marché et alléger la facture environnementale.

Qu’est-ce qu’une kei car ? Les normes japonaises décryptées

Les kei car (ou K-car) répondent à un cahier des charges strict pour bénéficier d’avantages fiscaux au Japon :

  • Longueur maximale : 3,4 mètres
  • Largeur maximale : 1,48 mètre
  • Puissance plafonnée à 64 CV (soit 47 kW)
  • Cylindrée : 660 cm³ maximum
  • Aménagement pour quatre occupants

En 2024, ces micro-citadines représentaient 40 % du marché japonais, soit 1,76 million d’unités immatriculées sur un total de 4,4 millions de nouvelles voitures. Leur succès fulgurant s’explique autant par leur compacité que par un environnement réglementaire avantageux.

Les leviers fiscaux à l’origine du boom des kei car

Plusieurs mesures incitatives expliquent la popularité des kei car au Japon :

  • Réductions de la taxe d’immatriculation : montant moindre comparé aux voitures classiques.
  • Exonération partielle du « voiture tax » : l’équivalent du malus routier européen est fortement réduit pour les propriétaires de kei car.
  • Pas de justificatif de parking : alors que l’achat d’un véhicule traditionnel exige une preuve de stationnement, les kei car en sont dispensées.

Ces dispositions rendent ces modèles ultra-compétitifs (souvent moins de 10 000 €) et simples à acquérir, même pour les citadins sans garage attitré.

Pourquoi l’Europe n’a pas (encore) adopté les kei car

Malgré leur pertinence pour le trafic urbain, les kei car connaissent deux obstacles principaux en Europe :

  • Homologation complexe : les normes européennes (sécurité passive, pollution, crash tests) diffèrent du cadre japonais. Adapter un modèle japonais aux exigences UE augmenterait trop les coûts de production.
  • Positionnement tarifaire délicat : avec des batteries pour l’électrification, les prix de revient montent, compliquant la justification d’un tarif très bas (inférieur à 15 000 € TTC).

Pour l’instant, seules quelques microcars (quadricycles légers) occupent ce segment, mais leurs performances et leur sécurité demeurent limitées.

Les E-Car : une solution « made in Europe » ?

Elkann propose de créer une catégorie spécifique, les E-Car, qui bénéficierait d’une réglementation sur-mesure :

  • Dimensions similaires aux kei car : longueur < 3,4 m, largeur < 1,48 m.
  • Motorisations électriques ou hybrides légères : puissance plafonnée autour de 60 kW pour garantir la sobriété.
  • Normes de sécurité adaptées : prévus dès la conception pour répondre aux crash tests européens tout en limitant le surplus de poids.
  • Incentives étatiques : exonérations de taxes, bonus à l’achat, et suppression de la condition de place de parking.

En concédant ces mesures, l’Union européenne pourrait encourager les constructeurs à implanter des lignes de production dédiées sur le Vieux Continent, et non à importer des modèles non adaptés.

Les atouts des E-Car pour les conducteurs urbains

Ces petits véhicules présentent plusieurs avantages pour les citadins et périurbains :

  • Maniabilité extrême : rayon de braquage réduit, pratique dans les ruelles médiévales ou les centre-villes encombrés.
  • Coûts d’usage limités : consommations électriques basses, entretien simplifié et primes à l’achat incitatives.
  • Stationnement facilité : format compact facilitant les créneaux et réduisant le stress de recherche de place.
  • Impact environnemental moindre : batteries plus petites et recyclables, empreinte carbone réduite sur le cycle de vie.

Les enjeux industriels et économiques

Pour répondre à cet appel, plusieurs leviers industriels sont envisageables :

  • Reconversion d’usines sous-employées : transformer des chaînes à l’arrêt pour produire des E-Car, créant ainsi des emplois locaux.
  • Économies d’échelle : mutualiser les plateformes entre plusieurs marques et modèles pour réduire les coûts unitaire.
  • Soutien aux fournisseurs : encourager la filière batterie et l’électronique européenne pour sécuriser la chaîne d’approvisionnement.

Obstacles et conditions de succès

Si cette vision semble séduisante, elle impose :

  • Une harmonisation rapide des normes UE : un calendrier clair pour la définition de la catégorie E-Car.
  • Une collaboration public-privé : aides financières, subventions à l’investissement et pilotage politique coordonné.
  • Une communication transparente : sensibilisation des conducteurs aux bénéfices des E-Car pour lever les réticences liées à leur taille.

Peut-on véritablement réveiller le marché européen ?

Les E-Car représentent une opportunité de relance industrielle et de transition écologique pour l’Europe. En créant une nouvelle catégorie adaptée à l’électrique et à la ville, l’UE peut offrir aux constructeurs une alternative aux segments traditionnels qui peinent. Reste à savoir si les décideurs, industriels et politiques, sauront définir ensemble le cadre réglementaire nécessaire à la naissance et à la diffusion de ces citadines du futur.